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{"created":"2022-01-31T13:20:11.679194+00:00","id":"lit8105","links":{},"metadata":{"alternative":"Revue philosophique de la France et de l'\u00e9tranger","contributors":[{"name":"Henri, Victor","role":"author"}],"detailsRefDisplay":"Revue philosophique de la France et de l'\u00e9tranger 36: 608-622","fulltext":[{"file":"p0608.txt","language":"fr","ocr_fr":"LES\nLABORATOIRES DE PSYCHOLOGIE EXP\u00c9RIMENTALE\nEN ALLEMAGNE\nQuinze ann\u00e9es se sont \u00e9coul\u00e9es depuis la fondation du premier laboratoire de psychologie exp\u00e9rimentale par M. Wundt. Pendant cet intervalle relativement court, la nouvelle science a fait de grands progr\u00e8s, son but et ses m\u00e9thodes se sont pr\u00e9cis\u00e9s et le nombre des laboratoires s\u2019est accru consid\u00e9rablement, de sorte que, en ce moment, il existe seize laboratoires en Am\u00e9rique, quatre en Allemagne, deux en Angleterre, enfin un dans chacun des pays suivants : France, Italie, Suisse, Belgique, Hollande, Danemark, Su\u00e8de et Roumanie, ce qui fait en tout 30 laboratoires, dont plus de la moiti\u00e9 en Am\u00e9rique. C\u2019est une description des quatre laboratoires d\u2019Allemagne et des travaux qu\u2019on y fait que nous nous proposons de donner dans cet article '.\nI\nNous d\u00e9crirons les quatre laboratoires dans l'ordre d\u2019anciennet\u00e9 : nous commen\u00e7ons donc par celui de Leipzijjcr\u00e9\u00e9 par Wundt, en 1878. Jusqu\u2019au mois de juillet 1892, le laboratoire se trouvait dans l\u2019Universit\u00e9 m\u00eame; il se composait de sept pi\u00e8ces, dont deux seulement \u00e9taient s\u00e9par\u00e9es, les autres au contraire \u00e9taient plac\u00e9es \u00e0 la suite l\u2019une de l\u2019autre, de sorte qu\u2019on devait traverser toutes les chambres pour passer dans la derni\u00e8re o\u00f9 se trouvait la biblioth\u00e8que; il y avait donc un va-et-vient continuel \u00e0 travers quatre des chambres, ce qui g\u00eanait beaucoup et r\u00e9duisait le nombre de travaux qui pouvaient se faire simultan\u00e9ment. A la fin de l\u2019ann\u00e9e scolaire 91-92, comme on avait commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9molir l\u2019Universit\u00e9, le laboratoire fut transport\u00e9 dans l\u2019ancien institut de Trier, o\u00f9 il se trouvera\n1. Nous profilons de l\u2019occasion pour pr\u00e9senter nos remerciements \u00e0 MM. Ebbinghaus, Martius, M\u00fcller et Wundl pour le bienveillant accueil qu\u2019ils nous ont fait.","page":608},{"file":"p0609.txt","language":"fr","ocr_fr":"V. HENRI. \u2014 LABORATOIRES DE PSYCHOLOGIE EK ALLEMAGNE 609\npendant les cinq ann\u00e9es que durera la construction de la nouvelle Universit\u00e9.\nLe laboratoire se compose de 11 pi\u00e8ces s\u00e9par\u00e9es, ayant leurs portes sur un long corridor, l\u2019une d'elles est occup\u00e9e par la biblioth\u00e8que, une autre est le cabinet du directeur et il y a 9 pi\u00e8ces, dont une chambre noire, pour les exp\u00e9riences; toutes ces pi\u00e8ces sont reli\u00e9es entre elles par l\u2019\u00e9lectricit\u00e9, provenant d\u2019une station centrale qui se compose de 60 piles de Meidinger.\nLe laboratoire re\u00e7oit une subvention annuelle de 1500 marks (.1875 fr.) pour les appareils; ces appareils ont \u00e9t\u00e9 acquis ou construits pour les travaux qu\u2019on faisait au laboratoire. Dans la description, nous les classerons d\u2019apr\u00e8s le but auquel ils servent.\nPour l\u2019\u00e9tude des sensations visuelles, le laboratoire poss\u00e8de des disques tournants, de diff\u00e9rentes grandeurs, permettant d'obtenir des m\u00e9langes de couleurs, un spectroscope, un h\u00e9liostat, une s\u00e9rie de prismes et de lentilles et enfin un appareil pour l\u2019\u00e9tude des illusions g\u00e9om\u00e9triques qui vient d\u2019\u00eatre construit: c\u2019est une grande plaque carr\u00e9e en verre ayant 50 centim\u00e8tres de c\u00f4t\u00e9 qu\u2019on peut au moyen de vis microm\u00e9triques d\u00e9placer dans tous les sens, derri\u00e8re celte plaque peut \u00eatre mise une feuille de carton; on trace sur ce carton certaines lignes ou points, suivant l\u2019illusion qu\u2019on veut \u00e9tudier, et sur la plaque on marque certains points, de sorte que les figures qu\u2019on doit comparer entre elles sont l\u2019une trac\u00e9e tout enti\u00e8re sur le carton, l\u2019autre au contraire en partie sur le carton et en partie sur la plaque de verre; en d\u00e9pla\u00e7ant cette derni\u00e8re on peut faire varier la grandeur de la seconde figure.\nPour l\u2019\u00e9tude des sensations auditives le laboratoire poss\u00e8de une s\u00e9rie de diapasons avec leurs boites de r\u00e9sonance, des diapasons \u00e9lectriques, trois \u00ab Tonmesser d\u2019Appun \u00bb, permettant d\u2019obtenir des sons assez purs et variant de 32 \u00e0 1024 oscillations par seconde ; puis deux appareils qui servent \u00e0 produire des bruits d'intensit\u00e9s diff\u00e9rentes : dans le premier, employ\u00e9 par Starke, le bruit est produit par une boule qui tombe sur une planchette d\u2019une certaine hauteur variable, un dispositif sp\u00e9cial permet de mesurer exactement cette hauteur et de laisser tomber la boule sans lui donner d\u2019impulsion; dans le second appareil (Schallpendel), construit par K\u00e4mpfe, le bruit est produit par le choc de la boule d\u2019un pendule contre une surface plane, situ\u00e9e dans le plan m\u00e9dian du pendule; en faisant varier l\u2019angle d\u2019\u00e9cart, on peut obtenir des bruits de m\u00eame nature, mais d'intensit\u00e9s diff\u00e9rentes.\nMaintenant vient toute une s\u00e9rie d\u2019appareils, servant \u00e0 la mesure de la dur\u00e9e des actes psychiques. Ces appareils sont : un chrono-tome xxxvi. \u2014 1893.\t. 39","page":609},{"file":"p0610.txt","language":"fr","ocr_fr":"REVUE PHILOSOPHIQUE\n610\nm\u00e8tre de Cattell, deux chronoseopes de Hipp et deux appareils pour contr\u00f4ler ce chronoscope: chacun de ces appareils se compose d\u2019un marteau qui tombe d\u2019une certaine hauteur et sur son passage ferme d\u2019abord un courant, puis l\u2019interrompt; ce courant, passant par le chronoscope, le met en mouvement; connaissant le temps, compris entre la fermeture et l\u2019ouverture du courant, on peut voir si le temps, indiqu\u00e9 par le chronoscope, correspond bien avec celui-l\u00e0; pour des mesures plus pr\u00e9cises des temps de r\u00e9action le laboratoire poss\u00e8de un chronographe de Wundt : c\u2019est un cylindre de 32 centim\u00e8tres de longueur et de 20 centim\u00e8tres de diam\u00e8tre qui tourne rapidement autour de son axe; sur ce cylindre sont inscrites les vibrations d\u2019un diapason donnant 500 vibrations par seconde et \u00e0 c\u00f4t\u00e9 sont marqu\u00e9s les temps o\u00f9 les excitations et les r\u00e9actions ont eu lieu. A c\u00f4t\u00e9 de ces appareils qui servent \u00e0 la mesure des temps se trouve une s\u00e9rie d\u2019appareils permettant de produire des excitations visuelles, auditives, tactiles ou olfactives de fa\u00e7on qu\u2019au moment o\u00f9 l\u2019excitation a lieu le courant soit ferm\u00e9, et aussi des appareils pour la r\u00e9action soit avec un doigt, soit avec les l\u00e8vres, soit enfin avec la parole.\nOn peut joindre \u00e0 ces appareils de psychom\u00e9trie le pendule de Wundt qui sert \u00e0 produire simultan\u00e9ment deux excitations de nature diff\u00e9rente, par exemple une excitation visuelle, produite par une aiguille qui parcourt un cadran avec une certaine vitesse, et une excitation auditive, produite par un coup de sonnette, le sujet doit d\u00e9terminer \u00e0 quelle position de l\u2019aiguille correspond le coup de sonnette; l\u2019excitation auditive peut \u00eatre remplac\u00e9e par une excitation tactile.\nPour l\u2019\u00e9tude du sens du temps (Zeitsinn), le laboratoire poss\u00e8de deux appareils : le premier, le plus ancien, d\u2019Estel, et le second, tout r\u00e9cent, de Meumann, qui est, on peut dire, une perfection du premier; le but de ces appareils est de produire des ouvertures et des fermetures de courant \u00e0 des intervalles de temps qu\u2019on peut r\u00e9gler d\u2019avance; la pi\u00e8ce essentielle de ces deux appareils est un cercle gradu\u00e9 sur lequel on peut disposer des contacts, une tige rigide tourne autour d\u2019un axe qui se trouve au centre du cercle, en passant devant les contacts, elle ouvre ou ferme le courant; dans le premier appareil, le mouvement est communiqu\u00e9 par un m\u00e9canisme d\u2019horlogerie avec poids; dans le second, c\u2019est un m\u00e9canisme d\u2019horlogerie \u00e0 ressort de Balzar qui produit le mouvement, dans cet appareil le m\u00eame mouvement peut \u00eatre transmis \u00e0 un cylindre enregistreur de Balzar. Outre ces appareils, le laboratoire poss\u00e8de des appareils de physiologie et de physique et enfin des appareils de d\u00e9monstration pour les cours.","page":610},{"file":"p0611.txt","language":"fr","ocr_fr":"V. HENRI. \u2014 LABORATOIRES DE PSYCHOLOGIE EN ALLEMAGNE 6H\nVoyons maintenant quelle est l\u2019organisation int\u00e9rieure du laboratoire de Leipzig et quels sont les travaux qu\u2019on y fait.\nLe personnel du laboratoire se composait pendant l\u2019ann\u00e9e scolaire 1892-93 de 25 personnes : Wundt, directeur; K\u00fclpe et Meumann, ses deux pr\u00e9parateurs, et 22 \u00e9l\u00e8ves. Au commencement de chaque semestre, Wundt distribue les travaux qui doivent \u00eatre faits au laboratoire; la plus grande partie des sujets est donn\u00e9e par Wundt et seulement un petit nombre sont des sujets choisis ou propos\u00e9s par les \u00e9l\u00e8ves eux-m\u00e8mes; lorsque la distribution des sujets est faite, on passe \u00e0 la d\u00e9signation des \u00e9l\u00e8ves qui doivent prendre part aux diff\u00e9rents travaux : il y a ainsi pour chaque travail de 3 \u00e0 10 sujets d'exp\u00e9riences. Un \u00e9l\u00e8ve doit d\u2019abord rester au moins six mois comme sujet d\u2019exp\u00e9riences, avant d\u2019obtenir un travail; c\u2019est une condition que nous croyons tr\u00e8s utile et presque n\u00e9cessaire; en effet les \u00e9l\u00e8ves qui arrivent au laboratoire sont en g\u00e9n\u00e9ral des \u00e9tudiants qui n\u2019ont que des id\u00e9es vagues sur la psychologie exp\u00e9rimentale; pendant les six premiers mois et souvent la premi\u00e8re ann\u00e9e, ils se familiarisent avec les appareils de psychologie qui leur sont montr\u00e9s dans un cours fait par K\u00fclpe; de plus, en prenant part \u00e0 un ou plusieurs travaux, ils apprennent comment il faut travailler et enfin ils peuvent s\u2019occuper de la litt\u00e9rature de la branche de psychologie exp\u00e9rimentale qu\u2019ils ont envie de choisir pour leur travail. Dans la grande majorit\u00e9 des cas, les \u00e9l\u00e8ves qui viennent au laboratoire ont pour but de pr\u00e9parer une th\u00e8se de doctorat; c\u2019est cette possibilit\u00e9 de pouvoir pr\u00e9senter \u00e0 Leipzig une th\u00e8se sur un sujet de psychologie exp\u00e9rimentale qui fait qu\u2019il y a toujours beaucoup d\u2019\u00e9l\u00e8ves au laboratoire : c\u2019est un avantage sur les autres laboratoires, puisque jamais il ne manque de sujets d\u2019exp\u00e9riences; mais il y a aussi un l\u00e9ger d\u00e9faut, c\u2019est que les \u00e9l\u00e8ves s\u2019int\u00e9ressent quelquefois plus \u00e0 leur th\u00e8se qu\u2019au travail m\u00eame et se h\u00e2tent un peu trop.\nLe laboratoire est ouvert tous les jours, sauf le dimanche, de dix heures \u00e0 midi et de deux heures \u00e0 sept; pendant ce temps tous les \u00e9l\u00e8ves peuvent venir travailler \u00e0 la biblioth\u00e8que du laboratoire qui contient la plupart des.revues philosophiques et physiologiques et un grand nombre de trait\u00e9s et de m\u00e9moires de psychologie; chaque \u00e9l\u00e8ve doit verser 25 marks (32 fr.) par an pour la biblioth\u00e8que. Ceux qui ont un travail original peuvent venir au laboratoire \u00e0 toute heure, de sorte qu\u2019on peut toujours y trouver quelqu\u2019un depuis sept heures jusqu\u2019\u00e0 minuit ou une heure du matin ; de plus, ces \u00e9l\u00e8ves peuvent venir pendant les vacances. La dur\u00e9e des travaux est tr\u00e8s variable, mais il est rare qu\u2019elle soit inf\u00e9rieure \u00e0 six mois, ordinairement elle est d\u2019une ann\u00e9e et souvent plus; tous les travaux faits","page":611},{"file":"p0612.txt","language":"fr","ocr_fr":"REVUE PHILOSOPHIQUE\n612\nau laboratoire sont publi\u00e9s dans les Philosophische Studien, dont il a d\u00e9j\u00e0 paru 8 volumes et demi de 650 pages chacun.\nSi nous jetons un coup d\u2019\u0153il sur les travaux qui ont \u00e9t\u00e9 faits depuis 1878 jusqu'en 1892, nous voyons que le plus grand nombre avaient pour but d\u2019\u00e9tudier si la loi de Weber et celle de Fechner sont applicables aux sensations visuelles, auditives et de pression, de d\u00e9terminer quelles sont les m\u00e9thodes psychologiques qu\u2019on doit appliquer pour chacune de ces sensations, quels sont par cons\u00e9quent les d\u00e9fauts et les avantages de chacune de ces m\u00e9thodes et comment, suivant les circonstances, il faut modifier chacune d\u2019elles. Presque aussi nombreux que les pr\u00e9c\u00e9dents ont \u00e9t\u00e9 les travaux sur la psychom\u00e9trie; on a \u00e9tudi\u00e9 les temps de r\u00e9action simples pour les sensations visuelles, auditives, tactiles et olfactives, l\u2019influence de l\u2019habitude, de la fatigue, de l\u2019intensit\u00e9 de l'excitation et de diff\u00e9rents m\u00e9dicaments sur la dur\u00e9e des r\u00e9actions, puis la diff\u00e9rence dans les cas o\u00f9 l\u2019attention du sujet est concentr\u00e9e sur le mouvement \u00e0 ex\u00e9cuter ou sur la sensation qui doit se produire, d\u2019o\u00f9 la distinction des r\u00e9actions motrices et des r\u00e9actions sensorielles; enfin on a \u00e9tudi\u00e9 la dur\u00e9e des actes psychiques plus compliqu\u00e9s : tels sont les temps de choix, de reconnaissance et d\u2019association. Les r\u00e9sultats pr\u00e9cis dans cette branche sont encore peu nombreux, la seule connaissance de la dur\u00e9e des diff\u00e9rents actes psychiques ne peut pas permettre de conclure sur la nature de ces actes et sur leur ordre de complexit\u00e9, sans qu'on fasse quelques hypoth\u00e8ses qui peuvent aussi bien \u00eatre admises que rejet\u00e9es.\nUn nombre bien moins consid\u00e9rable de travaux a \u00e9t\u00e9 fait sur les sensations visuelles et auditives : pour les premi\u00e8res, on a fait quelques recherches sur le contraste et ses effets, sur la r\u00e9cit\u00e9 des couleurs et sur la perceptibilit\u00e9 des couleurs dans la vision indirecte; pour les secondes, un travail a \u00e9t\u00e9 fait sur la m\u00e9moire des hauteurs de sons, et un autre sur la perception des intervalles de sons. Ce dernier travail a conduit \u00e0 une pol\u00e9mique tr\u00e8s longue entre Wundt et Stumpf.\nEnfin, quatre travaux ont \u00e9t\u00e9 faits sur le sens du temps et deux sur les oscillations de l\u2019attention.\nEn somme, depuis 1878 jusqu\u2019en 1892, il a \u00e9t\u00e9 fait au laboratoire de Leipzig quarante-cinq travaux, dont la grande majorit\u00e9 se rapporte soit \u00e0 la mesure de la dur\u00e9e des actes psychiques, soit \u00e0 la mesure de l\u2019excitation ext\u00e9rieure qui produit telle ou telle autre sensation ou changement de sensation; ce sont, on peut dire, les \u00e9l\u00e9ments de la psychologie exp\u00e9rimentale o\u00f9 on a pour but de donner une description scientifique des \u00e9tats de conscience les plus simples, en","page":612},{"file":"p0613.txt","language":"fr","ocr_fr":"V. HENRI. \u2014 LABORATOIRES DE PSYCHOLOGIE ES ALLEMAGNE 613\nessayant d\u2019en d\u00e9duire certaines lois, mais o\u00f9 on ne s\u2019occupe pas encore de processus purement psychiques ni de variations individuelles : c\u2019est une introduction \u00e0 la psychologie exp\u00e9rimentale, un passage entre la physiologie et la psychologie.\nTous les travaux dont nous avons parl\u00e9 jusqu\u2019ici ont \u00e9t\u00e9 faits dans l\u2019ancien laboratoire; voyons maintenant ceux que l\u2019on a faits cette ann\u00e9e dans le nouveau laboratoire. Les douze travaux entrepris cette ann\u00e9e, \u00e9taient :\n1\u00b0 \u00c9tude de la perception diff\u00e9rentielle pour les couleurs spectrales;\n2\u00b0 Rapports quantitatifs dans le contraste des couleurs;\n3\u00b0 Clart\u00e9 sp\u00e9cifique des couleurs ;\n4\u00b0 Sur les illusions g\u00e9om\u00e9triques;\n5\u201c \u00c9tude sur l\u2019appr\u00e9ciation des distances au moyen des mouvements des bras;\n6J \u00c9tude sur le sens du go\u00fbt;\n7\u00b0 Psychologie du sens du temps;\n8\u00b0 Influence du rythme sur le pouls et la respiration ;\n9\" \u00c9tude sur les associations;\n-10\u00b0 La production des vibrations d\u2019une oreille \u00e0 l\u2019autre (binaurale Schwebungen) ;\nII\u00ae \u00c9tude sur le sentiment esth\u00e9tique li\u00e9 au rapport des longueurs dans les figures g\u00e9om\u00e9triques;\n12\u00b0 Sentiment esth\u00e9tique li\u00e9 \u00e0 des combinaisons de couleurs.\nNous ne nous arr\u00eaterons longuement que sur quelques-uns de ces travaux, en appuyant surtout sur les r\u00e9sultats nouveaux. Nous commen\u00e7ons par le cinqui\u00e8me travail, sur l\u2019appr\u00e9ciation des distances au moyen des mouvements des bras, qui, quoique inachev\u00e9 et interrompu, a conduit \u00e0 des r\u00e9sultats int\u00e9ressants 1 2 ; le sujet \u00e9tait assis pr\u00e9s d\u2019une planche perpendiculaire au plan du front, dans cette planche \u00e9taient faits des trous dispos\u00e9s sur un arc de cercle, ayant pour rayons la longueur du bras ; dans ces trous pouvaient \u00eatre mises de petites chevilles, permettant d'arr\u00eater le mouvement du bras; les exp\u00e9riences \u00e9taient faites d'apr\u00e8s la m\u00e9thode des plus petites diff\u00e9rences; le premier r\u00e9sultat obtenu est, que la vitesse du mouvement, restant constante, la plus petite diff\u00e9rence perceptible, lorsque le mouvement ne d\u00e9passe pas 60\u00b0, reste presque constante, et il n\u2019y a pas de tendance \u00e0 augmenter plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 diminuer la grandeur du mouvement, r\u00e9sultat contraire \u00e0 celui obtenu par Loeb *.\n1.\tV. Wnndt, Physiologische Psychologie, t. I, p. 129 (lw Auflage).\n2.\tLoeb, Vliters, fih. den F\u00fbhlraum der Hand (Pfl\u00fcg. Arch. f. Physiologie, Bd 41, p. 101-121).","page":613},{"file":"p0614.txt","language":"fr","ocr_fr":"<514\tREVUE PHILOSOPHIQUE\nLe second travail sur lequel nous nous arr\u00eaterons un peu est celui de Kiesow sur les sensations du go\u00fbt; le but poursuivi est d\u2019\u00e9tudier les ph\u00e9nom\u00e8nes de contraste et de d\u00e9terminer dans quelles conditions deux go\u00fbts peuvent \u00eatre compl\u00e9mentaires; les liqueurs employ\u00e9es sont des dissolutions de saccharine, d\u2019acide chlorhydrique, de sel marin et de chinine ; deux sortes de contraste peuvent \u00eatre observ\u00e9s, le contraste simultan\u00e9 et le contraste successif; pour obtenir le premier, on verse simultan\u00e9ment sur un bord de la langue une des solutions, et sur l\u2019autre de l\u2019eau distill\u00e9e; celte derni\u00e8re parait avoir un certain go\u00fbt qui d\u00e9pend du go\u00fbt de la solution employ\u00e9e. Pour avoir le contraste successif, on verse sur une portion de la langue une certaine solution et puis, quelque temps apr\u00e8s, de l\u2019eau distill\u00e9e sur la m\u00eame portion, ici encore l\u2019eau distill\u00e9e semble avoir un certain go\u00fbt; pour \u00e9tudier si deux solutions peuvent \u00eatre compl\u00e9mentaires, on les m\u00e9lange \u00e0 des proportions diff\u00e9rentes et on observe si ce m\u00e9lange a un certain go\u00fbt ou non. Le r\u00e9sultat le plus important est que deux sensations gustatives qui se provoquent l\u2019une l\u2019autre par effet de contraste ne sont pas toujours compl\u00e9mentaires ', ainsi par exemple le sal\u00e9 et le sucr\u00e9 sont compl\u00e9mentaires et aussi s\u2019\u00e9voquent l\u2019un l\u2019autre par effet de contraste ; au contraire, le sucr\u00e9 et l\u2019acide, le sal\u00e9 et l\u2019acide donnent lieu \u00e0 un contraste, mais ne sont jamais compl\u00e9mentaires. A c\u00f4t\u00e9 de ces questions, Kiesow \u00e9tudie aussi les valeurs du minimum de l\u2019excitation n\u00e9cessaire pour produire une sensation gustative et les variations de ces minima par l\u2019effet de la coca\u00efne avec laquelle on couvre une portion de la langue. Enfin il a fait quelques observations sur le sentiment, li\u00e9 \u00e0 certaines sensations gustatives, en portant surtout son attention sur le passage du plaisir \u00e0 la douleur.\nLe travail le plus important qui se fait maintenant au laboratoire de Leipzig est celui de Meumann sur le sens du temps ce travail a \u00e9t\u00e9 commenc\u00e9 au semestre d'hiver de l\u2019ann\u00e9e 91-92, et il n\u2019est pas encore termin\u00e9. La question du sens du temps est une des plus difficiles, parmi celles que traite la psychologie exp\u00e9rimentale; l\u2019appr\u00e9ciation des temps d\u00e9pend tellement des dispositions du sujet qu\u2019il est tr\u00e8s difficile d\u2019\u00e9liminer toutes les causes d\u2019erreur.\nMeumann distingue l\u2019appr\u00e9ciation des temps courts (au-dessous de 0%5), des temps moyens et des temps longs; ce qui influe surtout sur l'appr\u00e9ciation des premiers, ce sont les excitations qui les limi-\n1.\tV. Wundt, Physiol. Psychologic, t. I, p. 441 en noie (4\u201c Aufl.).\n2.\tV. Meumann, Beitr\u00e4ge zur Psychologie des Zeitsinnes (Phil. Slud., VIII, p. 431, 511, et IX, p. 264-307).","page":614},{"file":"p0615.txt","language":"fr","ocr_fr":"V. HENRI. \u2014 LABORATOIRES UE PSVC1I0L0CIE EN ALLEMAGNE 615\ntent; pour l\u2019appr\u00e9ciation des temps longs, ce sont les impressions qui se produisent \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur des intervalles qui ont une grande importance. Ceci pos\u00e9, Meumann \u00e9tudie l'appr\u00e9ciation des petits intervalles suivant qu\u2019ils sont limit\u00e9s par des bruits plus ou moins forts et de natures diff\u00e9rentes, de m\u00eame lorsqu\u2019ils sont limit\u00e9s par des \u00e9tincelles \u00e9lectriques plus ou moins lumineuses. Dans le cas o\u00f9 les intervalles sont limit\u00e9s par des bruits, leur perception est rythmique, d\u2019o\u00f9 une nouvelle question qui se pose, c\u2019est l\u2019influence du rythme sur l\u2019appr\u00e9ciation des petits intervalles; le sentiment li\u00e9 \u00e0 ces diff\u00e9rents rythmes doit aussi jouer un role important pour cette appr\u00e9ciation. A c\u00f4t\u00e9 de ces questions, Meumann \u00e9tudie aussi le sentiment esth\u00e9tique li\u00e9 \u00e0 la division, par un bruit, d\u2019un intervalle qui est limit\u00e9 par deux bruits. Il cherche s\u2019il ne se d\u00e9gage pas une certaine proportion constante qu\u2019on pr\u00e9f\u00e8re aux autres, comme dans le cas de la division d'une longueur. En somme, le travail de Meumann embrasse un tr\u00e8s grand nombre de questions et il avancera certainement de beaucoup la psychologie du sens du temps.\nUn travail qui a quelques points communs avec le pr\u00e9c\u00e9dent est celui de Mentz sur l\u2019influence du rythme sur le pouls et la respirations; ce travail, qui dure depuis deux semestres, est poursuivi dans le but d\u2019\u00e9tudier quels sont les changements qui se produisent dans le pouls et la respiration lorsqu\u2019on fait battre un m\u00e9tronome, suivant que le sujet pr\u00eate son attention aux battements ou non, et lorsque la vitesse du m\u00e9tronome est plus ou moins grande. En m\u00eame temps Mentz \u00e9tudie quels sont les sentiments li\u00e9s aux diff\u00e9rentes vitesses du m\u00e9tronome, en appuyant surtout sur les passages de l'agr\u00e9able au d\u00e9sagr\u00e9able et sur les positions de ces points indiff\u00e9rents (.Indifferenz-punkt) suivant les diff\u00e9rentes dispositions du sujet : si on est fatigu\u00e9 ou non, avant ou apr\u00e8s le d\u00eener, etc.\nLorsqu\u2019on fait vibrer simultan\u00e9ment deux diapasons qui ont presque le m\u00eame nombre d\u2019oscillations par seconde, il se produit des vibrations ou interf\u00e9rences (Schwebungen), dont le nombre par seconde est \u00e9gal \u00e0 la diff\u00e9rence des nombres d\u2019oscillation des deux diapasons; ces vibrations se produisent encore dans le cas o\u00f9 on fait vibrer chacun des diapasons devant une oreille seulement, et qu\u2019on diminue l\u2019intensit\u00e9 des sons produits jusqu\u2019\u00e0 ce que les oscillations d\u2019un diapason ne puissent pas \u00eatre transmises par l\u2019air \u00e0 l'oreille de c\u00f4t\u00e9 oppos\u00e9. Cette observation de date d\u00e9j\u00e0 assez ancienne a conduit dans les derni\u00e8res ann\u00e9es \u00e0 une discussion entre Scripture 1 et\nI. V. Philos. Stud., VII, p. 030. et VIII, p. G3S.","page":615},{"file":"p0616.txt","language":"fr","ocr_fr":"616\nREVUE PHILOSOPHIQUE\nSchaeffer 1 ; le premier de ces deux auteurs explique ce ph\u00e9nom\u00e8ne par la production de vibrations dans les organes centraux, elles seraient donc d\u2019origine c\u00e9r\u00e9brale; le second, au contraire, dit que les oscillations de l\u2019un des diapasons sont transmises \u00e0 l'oreille du c\u00f4t\u00e9 oppos\u00e9 par l\u2019interm\u00e9diaire des os du cr\u00e2ne, d'o\u00f9 la production ext\u00e9rieure des vibrations. La solution de cette question, dit Wundt 2, est d\u2019une grande importance; en effet, si la premi\u00e8re hypoth\u00e8se est exacte, il en r\u00e9sulterait que l'excitation se propage le long du nerf acoustique sous forme d'oscillations ayant la m\u00eame p\u00e9riode que les oscillations m\u00eames du son; c'est donc dans le but d\u2019\u00e9lucider cette question qu\u2019un travail m\u00e9thodique a \u00e9t\u00e9 entrepris au laboratoire sur la production des vibrations d\u2019une oreille \u00e0 l\u2019autre. Les sons produits par deux diapasons \u00e9lectriques, situ\u00e9s dans des pi\u00e8ces diff\u00e9rentes, sont transmis par dos tubes de caoutchouc dans une troisi\u00e8me pi\u00e8ce o\u00f9 se trouve le sujet; on introduit les bouts de chacun des tubes de caoutchouc dans les oreilles du sujet, qui doit dire s\u2019il entend des vibrations ou non.\nUne question qui est en relation directe avec la pr\u00e9c\u00e9dente est de savoir si le nerf acoustique est directement excitable par les oscillations sonores; celte question a \u00e9t\u00e9 soulev\u00e9e par Ewald *, qui a fait des observations sur des pigeons auxquels on avait enlev\u00e9 tout l'organe auditif; d'apr\u00e8s lui. ces pigeons r\u00e9agissaient encore \u00e0 des bruits, par cons\u00e9quent pouvaient entendre; au mois de juillet 93, un pareil pigeon a \u00e9t\u00e9 envoy\u00e9 par Ewald au laboratoire de Leipzig, et Wundt, avec ses \u00e9l\u00e8ves, entreprit une s\u00e9rie d\u2019exp\u00e9riences pour d\u00e9cider si ce pigeon r\u00e9agissait \u00e0 des bruits et \u00e0 des sons de diff\u00e9rentes hauteurs; pour avoir un terme de comparaison, les m\u00eames exp\u00e9riences se faisaient parall\u00e8lement avec un pigeon sain. Apr\u00e8s la fin de ces exp\u00e9riences, qui ont dur\u00e9 environ trois semaines, le pigeon devait \u00eatre soumis \u00e0 un examen anatomique, pour savoir exactement comment et \u00e0 quel endroit avaient \u00e9t\u00e9 coup\u00e9s les nerfs acoustiques. Ces deux travaux am\u00e8neront peut-\u00eatre \u00e0 une nouvelle th\u00e9orie de l'audition, plus pr\u00e9cise que toutes celles qui ont \u00e9t\u00e9 faites jusqu\u2019ici.\nLes deux travaux qu\u2019il nous reste \u00e0 examiner sont sur l\u2019esth\u00e9tique des proportions de longueurs dans les figures g\u00e9om\u00e9triques et sur\n1.\tV. Zeitschr. fur Psychol, u. Physiol, d. Sinnesory., t. Il, p. Ill, IV, p. 34S, et V, p. 397.\n2.\tWandt, Ist der H\u00f6rnerv direct durch Tonschwingungen erregbar ? (Philos. Stud., VIII, p. 641.)\n3.\tEwald, Physiologische Untersuchungen \u00fcber das Endorgan des Servus Oclueus, p. 33.","page":616},{"file":"p0617.txt","language":"fr","ocr_fr":"V. HENRI. \u2014 LABORATOIRES DE PSYCHOLOGIE EN ALLEMAGNE 617\nl\u2019esth\u00e9tique des combinaisons de couleurs; le premier d\u00e9j\u00e0 termin\u00e91 et le second seulement commenc\u00e9. Deux m\u00e9thodes diff\u00e9rentes peuvent \u00eatre employ\u00e9es dans les recherches de ce genre : la m\u00e9thode de choix et la m\u00e9thode de comparaison; dans la premi\u00e8re, le sujet doit indiquer dans une s\u00e9rie de figures, celle qui lui pla\u00eet le plus; dans la seconde, on pr\u00e9sente au sujet deux figures et il doit dire celle qui est la plus agr\u00e9able des deux. Celte m\u00e9thode exige un nombre d\u2019exp\u00e9riences bien plus consid\u00e9rable que la premi\u00e8re, mais elle permet d\u2019obtenir un classement continu d\u2019un certain nombre de figures d\u2019apr\u00e8s l\u2019ordre de leur agr\u00e9ment, r\u00e9sultat qui ne peut \u00eatre obtenu qu\u2019imparfuitement par la m\u00e9thode de choix. L\u2019\u00e9tude de l\u2019esth\u00e9tique des formes g\u00e9om\u00e9triques a \u00e9t\u00e9 faite, surtout par la m\u00e9thode de choix; le r\u00e9sultat le plus important est que dans une s\u00e9rie do figures g\u00e9om\u00e9triques simples deux sont pr\u00e9f\u00e9r\u00e9es aux autres, celle o\u00f9 le rapport des longueurs est de 1 \u00e0 1 et puis celle o\u00f9 ce rapport est de t \u00e0 1,665, qui est tr\u00e8s voisin du rapport dans la section d'or qui est de 1 \u00e0 1,618; les variations pour les diff\u00e9rentes figures et les diff\u00e9rentes personnes sont tr\u00e8s faibles.\nI/\u00e9tude de l'esth\u00e9tique des combinaisons de couleurs ne peut pas \u00eatre faite au moyen de la m\u00e9thode de choix, \u00e0 cause des effets de contraste qui ont une importance capitale; il faut donc employer la m\u00e9thode des comparaisons. Dans le travail qui est poursuivi au laboratoire, les couleurs employ\u00e9es sont des couleurs simples, obtenues par transparence \u00e0 travers des feuilles de g\u00e9latine on montre au sujet deux carr\u00e9s transparents sur un fond noir, et il doit dire lequel des deux lui pla\u00eet le plus; chacun de ces carr\u00e9s est form\u00e9 de deux rectangles de couleurs diff\u00e9rentes. Ces exp\u00e9riences qui dureront encore environ deux semestres sont les premi\u00e8res apr\u00e8s celles de Fechner et on peut esp\u00e9rer qu\u2019elles am\u00e8neront \u00e0 des r\u00e9sultats int\u00e9ressants.\nTels sont, en gros, les travaux qu\u2019on poursuivait cette ann\u00e9e au laboratoire de Leipzig. Si on les compare aux travaux qui avaient \u00e9t\u00e9 faits auparavant, on aper\u00e7oit une diff\u00e9rence assez notable : d abord, on a \u00e9tudi\u00e9 pour la premi\u00e8re fois, au laboratoire, le sens musculaire et les sensations gustatives, le sens du temps est soumis \u00e0 une \u00e9tude tr\u00e8s compl\u00e8te et bien plus pr\u00e9cise que celles qui avaient \u00e9t\u00e9 faites, et enfin on a abord\u00e9 une nouvelle branche de la psychologie exp\u00e9rimentale qui est l\u2019\u00e9tude des sentiments; nous avons vu, en\nd. Winner, Zur experimentellen Aeslhetik einfacher r\u00e4umlicher Fonnverh\u00fcllnisse [Philos. Stud., IX, p. 96-145 et 209-264).\n2. V. Kirschmann, Ueher die Herstellung monochromatischen Uchtes (Philos. Stud., VI, p. 343-552).","page":617},{"file":"p0618.txt","language":"fr","ocr_fr":"618\nREVUE PHILOSOPHIQUE\neffet, que deux \u00e9l\u00e8ves s\u2019occupaient des sentiments sp\u00e9cialement et que, de plus, trois autres \u00e9l\u00e8ves font entrer dans leu rs travaux la question des sentiments, li\u00e9s \u00e0 diff\u00e9rentes sensations; cette direction nouvelle a \u00e9t\u00e9 en partie provoqu\u00e9e par le m\u00e9moire de Lehmann ', paru l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re; dans ce m\u00e9moire, Lehmann, se basant sur deux exp\u00e9riences, construit une th\u00e9orie nouvelle sur le passage du plaisir \u00e0 la douleur; d\u2019apr\u00e8s cette th\u00e9orie, ce passage ne se ferait pas par un point indiff\u00e9rent (Indifferenzpunkt), comme le dit Wundt, mais \u00e0 un certain moment, lorsque le plaisir, li\u00e9 \u00e0 une sensation, commence \u00e0 diminuer, il s\u2019introduit de nouvelles sensations qui provoquent la douleur; lorsque l\u2019intensit\u00e9 de la premi\u00e8re sensation augmente, ce sentiment de douleur prend le dessus : il y a donc \u00e0 un certain moment coexistence de sentiments de plaisir et de sentiments de douleur s. La question des sentiments doit \u00eatre reprise au semestre d\u2019hiver de l\u2019ann\u00e9e 93-94 et le laboratoire devait acqu\u00e9rir un pl\u00e9tisrnographe pour ces recherches ; on peut donc esp\u00e9rer que dans quelques ann\u00e9es la psychologie des sentiments sera \u00e9tendue et pr\u00e9cis\u00e9e par des exp\u00e9riences nouvelles.\nII\nLe second laboratoire de psychologie exp\u00e9rimentale en Allemagne est celui de G\u0153ttingue fond\u00e9 en 1879 par M. E. M\u00fcller; ce laboratoire fut pendant longtemps une possession priv\u00e9e de M\u00fcller et il n\u2019y a que quelques ann\u00e9es qu\u2019il re\u00e7oit une subvention de 500 marks (625 fr.) pour les appareils.\nLe laboratoire se compose de cinq pi\u00e8ces, dont une chambre noire, toutes les autres bien \u00e9clair\u00e9es et mises entre elles en communication \u00e9lectrique. La plus grande partie des appareils ont \u00e9t\u00e9 acquis dans les trois derni\u00e8res ann\u00e9es par un \u00e9l\u00e8ve du laboratoire ; pour leur description nous suivrons le m\u00eame ordre que pr\u00e9c\u00e9demment. Pour l'\u00e9tude des sensations visuelles le laboratoire poss\u00e8de des appareils analogues \u00e0 ceux du laboratoire de Leipzig et de plus des appareils de d\u00e9monstration de Hering. Pour les sensations auditives, il n\u2019y a pas d\u2019appareils sp\u00e9ciaux ; pour le sens musculaire, on trouve d\u2019abord une s\u00e9rie de boites avec des poids construites d\u2019apr\u00e8s le mod\u00e8le de Fechner a, puis un ergographe et un ponom\u00e8tre de Mosso \u2018, et enfin un appareil de Schumann pour l\u2019\u00e9tude de la per-\n1.\tLehmann, Die Huuplgesetze des menschlichen Gef\u00fchlslebens, 189*2.\n2.\tV. loc. cit.f p. 181.\n3.\tV. Fechner, Psychoplujsik, I, p. 90.\n4.\tV. Mosso, la Fatigue.","page":618},{"file":"p0619.txt","language":"fr","ocr_fr":"V. HENRI. \u2014 LABORATOIRES DE PSYCHOLOGIE EN ALLEMAGNE (>I9\nception des mouvements du bras; dans cet appareil le mouvement du bras peut \u00eatre inscrit sur un cylindre enregistreur, de sorte qu'on peut savoir exactement tous les changements de vitesse dans le mouvement. Les appareils de psychom\u00e9trie sont : un chronoscopy de Hipp avec un marteau de contr\u00f4le et des appareils accessoires pour l\u2019excitation et la r\u00e9action, un chronographc de Schumann, dans lequel le cylindre est mis en mouvement par un petit moteur \u00e0 eau, dont on peut r\u00e9gler la vitesse \u00e0 volont\u00e9; sur ce cylindre sont inscrites les vibrations d\u2019un diapason, donnant 250 vibrations par seconde. Pour l\u2019\u00e9tude du sens du temps le laboratoire poss\u00e8de deux appareils de Schumann : le premier1 se compose d'un axe horizontal qui peut \u00eatre mis en rotation par un mouvement d'horlogerie, sur cet axe se trouvent trois disques circulaires qui portent sur leurs bords un certain nombre de pointes en platine que l\u2019on peut d\u00e9placer \u00e0 volont\u00e9; au-dessous de l\u2019axe, en face de chaque disque, se trouve une coupole avec du mercure, l\u2019axe de l\u2019appareil communique avec un des p\u00f4les d\u2019une batterie et le mercure avec l\u2019autre p\u00f4le par l\u2019interm\u00e9diaire d'un t\u00e9l\u00e9phone, de sorte que lorsqu\u2019une des pointes de platine vient toucher le mercure on entend un bruit dans le t\u00e9l\u00e9phone; cet appareil n\u2019\u00e9tant pas assez pr\u00e9cis et de plus \u00e9tant difficile \u00e0 manier, Schumann en construisit un autre : c\u2019est un cercle gradu\u00e9 ayant environ 30 centim\u00e8tres de diam\u00e8tre sur lequel peuvent se d\u00e9placer six contacts; une tige mobile autour du centre du cercle produit, en passant devant les contacts, des fermetures de courant et par suite des bruits dans le t\u00e9l\u00e9phone; le mouvement de cette tige est tr\u00e8s r\u00e9gulier, il est communiqu\u00e9 par un moteur \u00e9lectro-magn\u00e9tique de Helmholtz -, muni d\u2019un r\u00e9gulateur; la pr\u00e9cision, obtenue avec cet appareil, est parfaite, puisque l\u2019erreur moyenne ne d\u00e9passe pas un milli\u00e8me de seconde, on peut donc employer cet appareil pour contr\u00f4ler le chronoscope de Hipp.\nOutre ces appareils, le laboratoire poss\u00e8de des appareils de physiologie et de physique, qui sont en nombre plus consid\u00e9rable qu\u2019au laboratoire de Wundt.\nEn somme, il y a au laboratoire beaucoup d\u2019appareils nouveaux; mais la plupart d\u2019entre eux restent enferm\u00e9s dans des armoires sans \u00eatre employ\u00e9s, puisque le nombre d\u2019\u00e9l\u00e8ves est tr\u00e8s restreint. En effet le personnel du laboratoire se compose de G.-E. Millier, directeur; Schumann, pr\u00e9parateur, et de deux \u00e9l\u00e8ves seulement, parce que, \u00e0 l\u2019universit\u00e9 de G\u0153ttingue, il est bien plus difficile de passer une th\u00e8se\n1.\tV. Schumann, Ueb. die psgchol. Grundlagen der Vergleichung Kleiner Zeitgr\u00f6ssen (Zeitschr. f. Psych. u. Phys. d. Sinnesorg., IV, p. 50).\n2.\tV. Cyon, Methodik d. physiolog. Experimenten, p. 40A.","page":619},{"file":"p0620.txt","language":"fr","ocr_fr":"620\tBEVUE PHILOSOPHIQUE\nde doctorat sur un sujet de psychologie exp\u00e9rimentale qu'\u00e0 Leipzig, et on n\u2019admet pas volontiersau laboratoire des\u00e9l\u00e8vesqui veulent pr\u00e9parer une th\u00e8se ; de plus, ce laboratoire est encore peu connu \u00e0 l'\u00e9tranger.\nLes travaux faits au laboratoire sont publi\u00e9s dans les Archives de physiologie de Pfl\u00fcger et dans la Zeitschrifft f\u00fcr Psychologie und Physiologie der Sinnesorgane. Jusqu\u2019ici il a \u00e9t\u00e9 fait seulement quatre travaux : le premier, de Millier et Schumann, sur la comparaison des poids qu'on soul\u00e8ve 1 2 ; le but \u00e9tait d\u2019\u00e9tudier quels sont les facteurs psychologiques sur lesquels repose la comparaison de deux poids qu\u2019on soul\u00e8ve; l'impulsion motrice avec laquelle on soul\u00e8ve chacun des poids a une influence capitale : ainsi lorsqu\u2019on soul\u00e8ve plusieurs fois de suite d\u2019abord un poids A, puis B qui est plus lourd que A, si \u00e0 la place de B, on place \u00e0 un certain moment un poids C \u00e9gal \u00e0 A, celui-ci est soulev\u00e9 bien plus rapidement que A et parait plus l\u00e9ger que ce dernier; les auteurs ont fait un grand nombre d\u2019exp\u00e9riences, d\u2019apr\u00e8s la m\u00e9thode des cas vrais et faux, pour \u00e9tudier l\u2019influence de ces impulsions motrices : le r\u00e9sultat le plus important est qu\u2019un poids parait d\u2019autant plus l\u00e9ger que l\u2019impulsion motrice avec laquelle il est soulev\u00e9 est plus forte, ce qui est contraire \u00e0 la th\u00e9orie du sens de l'innervation. Lorsqu'on veut comparer deux poids presque \u00e9gaux, on les soul\u00e8ve tous les deux avec la m\u00eame impulsion motrice et le poids le plus l\u00e9ger est soulev\u00e9 plus rapidement que le poids le plus lourd : c\u2019est cette diff\u00e9rence de vitesses qui, d\u2019apr\u00e8s la th\u00e9orie des auteurs, nous conduit \u00e0 tel ou tel autre jugement concernant la comparaison des poids.\nEnsuite ont \u00e9t\u00e9 faits deux travaux par Schumann, le premier sur la m\u00e9moire des groupes d'impressions sonores semblables et se suivant d\u2019une mani\u00e8re r\u00e9guli\u00e8re 3, et le second sur la comparaison des petits intervalles 3 (ce dernier travail a \u00e9t\u00e9 soumis \u00e0 une critique, peut-\u00eatre trop s\u00e9v\u00e8re, de Meumann), et Schumann a l'intention de reprendre la question du sens du temps avec son nouvel appareil que nous avons d\u00e9crit plus haut. Enfin le dernier travail fait au laboratoire est celui de M\u00fcller et Schumann 4 sur la m\u00e9moire et l\u2019association ; c'est, pour ainsi dire, une suite du travail d\u2019Ebbinghaus sur la m\u00e9moire; on apprend des syllabes par s\u00e9ries, puis on montre une syllabe au sujet qui doit dire aussit\u00f4t la syllabe ou le mot qu\u2019il\n1.\tM\u00fcller und .Schumann, Geber die psychologischen Grundlagen der Vergleichung gehobener Gewichte (Pfl. Arch., v. (5, p. 3C-1I2).\n2.\tSchumann, Geber das Ged\u00e4chlniss f\u00fcr Komplexe regelm\u00e4ssig aufeinander folgender gleicher Schalleindr\u00fccke (Zeih. f. Ps. u. Plujs. d. Sinnes, I, p. 13-80).\n3.\tSchumann, leb. d. psgehotog. Grundlagen d. Vergleichung Kleiner Zeil-gr\u00f6ssen [Zcitsch. f. Ps. u. Ph. d. Sinn., IV, p. 1-70).\n4.\tV. Zeilsch. f. Ps. u. Ph. d. Sinn., VI, p. 81.","page":620},{"file":"p0621.txt","language":"fr","ocr_fr":"V. HENRI. \u2014 I.ABORATOIIIES UE PSYCHOLOGIE EN ALLEMAGNE 621\nassocie; au moment m\u00eame o\u00f9 la syllabe est montr\u00e9e, un courant est interrompu et par suite le chronoscope de Hipp mis en mouvement, le sujet en pronon\u00e7ant le mot ferme le courant, et arr\u00eate ainsi le chronoscope. On conna\u00eet donc le nombre de fois qu\u2019il faut lire une s\u00e9rie de syllabes pour l'apprendre, puis le temps, mis pour associer \u00e0 une des syllabes une autre, et enfin on observe quel est le rapport entre les deux syllabes associ\u00e9es l\u2019une \u00e0 l\u2019autre; ce travail n\u2019est pas encore termin\u00e9, il est fait maintenant par M\u00fcller et un \u00e9l\u00e8ve du laboratoire.\nEn r\u00e9sum\u00e9, le laboratoire de Guettingue est encore au d\u00e9but de sa formation, les moyens de travail y sont excellents, mais il est difficile d'avoir plus de quatre sujets pour un travail.\nIII\nEn 1888 a \u00e9t\u00e9 fond\u00e9 \u00e0 Bonn par M. Martius le troisi\u00e8me laboratoire de psychologie exp\u00e9rimentale en Allemagne; ce laboratoire est une possession priv\u00e9e de Martius ; il se trouve dans des locaux appartenant au laboratoire de physique. Il y a en tout cinq grandes pi\u00e8ces bien \u00e9clair\u00e9es et deux chambres noires; les appareils qui se trouvent au laboratoire sont les m\u00eames que ceux du laboratoire de Leipzig, et on peut dire que c\u2019est en petit le laboratoire de Leipzig; les appareils originaux du laboratoire sont d\u2019abord celui de Martius, employ\u00e9 pour les r\u00e9actions \u00e0 des sons de hauteurs diff\u00e9rentes; il se compose d\u2019une caisse de r\u00e9sonance1, sur l'un des c\u00f4t\u00e9s de laquelle sont tendues des cordes d\u2019\u00e9paisseur diff\u00e9rente; au moment o\u00f9 on fait vibrer l\u2019une des cordes, le courant est interrompu et le chronoscope mis en mouvement, le sujet en r\u00e9agissant arr\u00eate le chronoscope. Le second appareil nouveau est un disque tournant, dans lequel le mouvement de rotation est communiqu\u00e9 par un petit moteur \u00e0 eau, et une paire d\u2019ailettes permet de r\u00e9gulariser la vitesse et aussi de la faire varier de grandeurs tr\u00e8s faibles; un dispositif sp\u00e9cial donne le nombre de tours par seconde.\nLe personnel du laboratoire se compose de Martius et de deux \u00e9l\u00e8ves, le plus grand nombre d'\u00e9l\u00e8ves qui sont venus au laboratoire \u00e9tait de cinq; la cause de ce petit nombre se trouve encore ici dans les examens; Martius n\u2019\u00e9tant pas examinateur pour le doctorat, il est difficile de pr\u00e9senter \u00e0 Bonn une th\u00e8se sur un sujet de psychologie exp\u00e9rimentale.\nLes travaux faits au laboratoire sont publi\u00e9s dans les Philoso-\ni. Y. Philos. Stud., VI, p. 403.","page":621},{"file":"p0622.txt","language":"fr","ocr_fr":"622\nREVUE PHILOSOPHIQUE\npinselte Studien : ce sont d'abord les travaux de Martius sur la grandeur apparente des objets, sur les r\u00e9actions motrices, sur les temps de r\u00e9action \u00e0 des sons de hauteurs diff\u00e9rentes et sur l\u2019influence de l\u2019intensit\u00e9 de l\u2019excitation auditive sur la dur\u00e9e des r\u00e9actions 1 ; puis celui de Marbe sur les oscillations de l\u2019attention 2 et sur le m\u00e9lange du noir et du blanc; ce dernier travail n\u2019est pas encore publi\u00e9; il a \u00e9t\u00e9 fait avec le nouveau disque tournant d\u00e9crit plus haut ; on fait tourner un disque ayant des secteurs noirs et blancs et on d\u00e9termine quelle est la vitesse minimum n\u00e9cessaire pour qu\u2019il paraisse d\u2019une couleur grise uniforme, ensuite on \u00e9tudie les variations de la vitesse lorsque la grandeur des secteurs ou bien lorsque l'\u00e9clairage du disque varie ; on peut dire que le m\u00e9lange du blanc et du noir se fait d\u2019autant plus facilement que le minimum de la vitesse est faible.\nEn r\u00e9sum\u00e9, ce laboratoire ressemble beaucoup \u00e0 celui de Leipzig tant par ses appareils que par le genre de travaux qui y ont \u00e9t\u00e9 faits.\nIV\nIl nous reste encore un laboratoire, celui de Berlin, sur lequel, malheureusement, nous n\u2019avons pas beaucoup \u00e0 dire : fond\u00e9 il y a quelques ann\u00e9es par M. Ebbinghaus, il n\u2019a pas de subvention r\u00e9guli\u00e8re, il occupe deux pi\u00e8ces et est organis\u00e9 surtout pour les d\u00e9monstrations; le nombre d\u2019appareils qu\u2019on y trouve est tr\u00e8s restreint : un chronoseope de Hipp avec quelques appareils accessoires, une s\u00e9rie de boites de m\u00eame grandeur, mais de poids diff\u00e9rents, un support permettant d\u2019immobiliser le bras, de sorte qu\u2019on puisse soulever un poids en pliant seulement le coude, enfin quelques appareils d\u2019optique et de physique. Il n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 fait de travaux sp\u00e9ciaux dans ce laboratoire; les huit \u00e9l\u00e8ves qui y venaient cette ann\u00e9e, faisaient des exp\u00e9riences pour se familiariser avec les appareils et les m\u00e9thodes de la psychologie exp\u00e9rimentale; mais M. Ebbinghaus esp\u00e8re que dans deux ans il aura des locaux bien vastes et une subvention r\u00e9guli\u00e8re, ce qui lui permettra de faire des travaux originaux.\nViCToa Henri.\n1.\tMartius, Scheinbare Grosse der Gegenst\u00e4nde (l\u2018h. SI., V, p. 001-G18); \u2014 M usai litre Reaction u. Aufmerksamkeit (Rh. St., VI, p. 167-217); \u2014 Reactionsz. u. Perceptionsdauer der Kl\u00e4nge (Pli. St., VI, p. 304-41\") ; \u2014 Ein/l. d. Intensit\u00e4t der Reise auf die Reactionszeit der Kl\u00e4nge (Ph. St., Vll, p. 469-187).\n2.\t.Marbe, Schwankungen der Gesichtsempfin. (Ph. St., VIII, p. 615-638).","page":622}],"identifier":"lit8105","issued":"1893","language":"fr","pages":"608-622","startpages":"608","title":"Les laboratoires de psychologie exp\u00e9rimentale en Allemagne","type":"Journal Article","volume":"36"},"revision":0,"updated":"2022-01-31T13:20:11.679200+00:00"}